Chant allemand : Jan Kobow
Chant arabe : Abed Azrié
Textes : Hâfez et Goethe
Musique : Abed Azrié
Musiciens
Bandoneón : Eduardo Garcia
Violon : Cyril Gara
Contrebasse : Leonardo Teruggi
Piano et arrangement : Gustavo Beytelmann
Enregistré et filmé au Goethe Institut à Paris - Juin 2013.
PRÉSENTATION
Abed Azrié met en musique - et en résonance - des poèmes extraits du Divân de Hâfez et du Divân d'Orient et d'Occident de Goethe, chantés tantôt en arabe et tantôt en allemand. Le dialogue à plusieurs siècles de distance entre les deux poètes a inspiré Abed Azrié pour cette suite de chants où les voix conversent en arabe et en allemand. Avec la complicité de Gustavo Beytelmann et son ensemble.
Au commencement, un poète persan, philosophe mystique, Hâfez, dont nous ne connaissons presque rien si ce n’est son Divân (recueil de poèmes) et le nom de sa ville bien-aimée : Chirâz. Cinq siècles plus tard, naît un poète, romancier, dramaturge, théoricien de l’art, passionné par les sciences, imprégné des classiques, de la Bible, de la mythologie antique et des légendes allemandes, inspiré enfin par l’Orient et fasciné par le même Hâfez au point d’écrire en 1819 son Divan d'Orient et d'Occident en réponse à celui de son idole.
Mettre ces deux textes en regard, tel est le projet d’Abed Azrié, compositeur français d’origine syrienne, auteur d’une vingtaine d’albums, de musiques pour le cinéma, de plusieurs livres dont la traduction de l’épopée de Gilgamesh. Un musicien-poète, humaniste avant tout dont la musique rassemble partout un public enthousiasmé par la modernité de ses compositions et l’universalité de son message. Avec" Hâfez & Goethe", il nous entraîne au confluent de la Perse du XIVe siècle, de l’Allemagne du XIXe et d’une France du XXIe aux accents d’Argentine. Pour ce faire et pour la première fois, il confie les arrangements de sa musique à Gustavo Beytelmann, natif de Buenos Aires, créateur d’une langue musicale née de ses racines tanguera, nourrie de ses voyages. Une musique hautement inflammable lorsqu’elle est interprétée par un ensemble argentin composé d’Eduardo Garcia, bandonéon, Cyril Garac, violon, Leonardo Teruggi, contrebasse, Gustavo Beytelmann, piano. Il n’est pas de plus grande altérité que les langues, il n’est pas de plus grande proximité que ces mêmes langues lorsque, défiant Babel, elles s’enlacent, épousant les émotions, harmonisant musique et voix de leurs interprètes. Pour chanter le vin, l’amour, la croyance. L’arabe langoureux d’Abed Azrié se mêle à l’élégance suave de l’allemand de Jan Kobow, ténor au timbre lumineux.
Hâfez de Chirâz ( 1315 -1390)
De la vie de Hâfez, poète, philosophe et mystique, nous ne connaissons presque rien, il ne reste vraiment de lui que son Divân (recueil de poèmes) et le nom de sa ville bien aimée, Chirâz, où il est né et mort. Au siècle où Dante écrit sa Divine Comédie et Pétrarque son Canonnière, Hâfez, écrit des ghazals, poèmes d'amour, charnels ou mystiques, qui se dégagent de la réalité de l’instant et la subliment. Un ghazal est une coupe de vin qui enivre, celui de la vie, de l'amour, de l'intelligence du mystère du monde. L'homme, selon lui, a reçu dès le commencement la vocation d’aimer, dans la pensée de Hâfez, l’amour est l’un des traits de l’être humain qui éclipse la raison et la foi. l'amour a donc donné la parole à Hâfez et son Divân n'est que la face visible du joyau qu'il possède en son coeur mais qui devait pour s'exprimer utiliser souvent des images, des métaphores et des allusions. La taverne pour Hâfez est un théâtre d’apprentissage plus profond et plus riche que la méditation solitaire, que la lecture des livres sacrés ou le respect des dogmes. Ce qui donne à sa voix une présence humaine plus proche de nous. L'amour a recouvert toute la vision de Hâfez de sorte que les événements de l'histoire sont comme dilués dans le temps de l'amour. Hâfez était habité par un secret qui est resté secret à lui-même, ses poèmes reflètent autant les invasions et les guerres que la spiritualité de son temps. Et si Hâfez jouit d'un prestige populaire qui ne s'est jamais démenti, c'est peut-être parce que l'amour a dans son oeuvre une place qu'il semble effacer les frontières entre l'humain et le divin, l’ascète a pour lui moins de sagesse que l’homme ivre, l’homme chaste moins de grandeur que le libertin. La poésie de Hâfez est fréquemment chantée en Iran dans la musique traditionnelle. Son Divân est utilisé comme aide à la divination populaire, il sert à tirer les augures. Les iraniens de nos jours posent une question concernant leur futur à Hâfez, puis ouvrent son Divân au hasard, le poème étant sur la page ouverte peut être interprété pour connaître la réponse à sa question. Hâfez, vénéré en Iran, a grandement influencé les poètes persans et a laissé sa marque sur d'importants poètes occidentaux comme Victor Hugo et plus particulièrement Goethe qui fait de lui son modèle et son maître. Le mausolée de Hâfez est aujourd'hui un lieu de culte et de pèlerinage à Chirâz.
Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832)
Poète, romancer, dramaturge, dessinateur, librettiste, théoricien de l'art et homme d'état allemand, fortement intéressé par les sciences, l'optique, la géologie, la biologie et la botanique. Elevé librement dans un milieu protestant aisé, cultivé, il s'imprègne tout autant des classiques, que de la Bible, de la mythologie antique et des légendes allemandes. Auteur d'une œuvre prolifique aux accents encyclopédiques. Quand il découvre la poésie de Hâfez en 1814 — il a alors 65 ans — il est tout particulièrement touché. Il trouve dans ses vers, qu'il qualifie de "miracle de goût humain et de raffinement", un apaisement et un renouvellement de sa vision du monde. Il l'érige en figure d’identification et d’émulation, l'appelant "Saint Hâfez", "ami céleste", "double spirituel" ou "guide spirituel". Dès 1815, il écrit à son éditeur : "Mon intention est de relier avec enjouement l'Occident et l'Orient, le passé et le présent, le persan et l'allemand, de sorte que les mœurs et les tournures d'esprit des deux bords s'entrecroisent." En aucun cas, il ne veut imiter l'Orient : il cherche explicitement à favoriser un dialogue, un échange, une rencontre. C'est donc en réponse au Divân de Hâfez qu'il publie en 1819 son recueil poétique majeur, Divân occidental-oriental constitué de douze livres portant douze titres en persans et allemand. Le huitième livre porte le nom de Souleika–Nameh (le livre de Souleika), une grande partie de ce livre remonte au temps de la relation amoureuse de Goethe avec Marianne von Willemer. Le Divân de Goethe a connu une large diffusion en Europe. Dix ans après sa publication, Victor Hugo lui donne la réplique et publie Les Orientales (1829), mettant en évidence l’importance de la littérature orientale qui inspirera une grande partie des romantiques français. Le Divan de Goethe a aussi été à l'origine de l’intérêt porté par Nietzsche à la culture persane (Ainsi parlait Zarathoustra).
Certains des poèmes du Divan ont été mis en musique par Franz Schubert, Robert Schumann, Félix Mendelssohn, Hugo Wolf, Richard Strauss et Arnold Schönberg.